Anne !

Anne

Anne V.
50 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

C’est très difficile de passer après Robie, parce que dans mes nombreux passages aux 3G, j’ai rencontré Robie, qui a été pour moi une très grande référence.
Car je ne me considère pas forcément comme une militante, j’estime ne pas avoir la légitimité parce que je n’ai pas la connaissance de certaines, comme toi Patricia ou Robie, des gens qui ont compté dans mon adolescence et dans ma vie de femme.
Néanmoins, j’ai eu la chance d’être d’une famille de 3 filles avec la sœur aînée qui était militante communiste et la deuxième qui était lesbienne donc forcément ça a été un peu plus facile pour moi de débuter ma vie lesbienne et je l’ai débuté assez tôt et je l’ai assumé assez tôt...
J’ai commencé à faire suer mon professeur de philosophie qui était un curé et je lui posais la question à 17 ans : quelle était la position de l’Église par rapport à l’homosexualité ? Et il m’a expliqué que l’Église accueillait en son sein tous ses enfants, même les malades (rire) et à partir de là, ça a été un grand moment pour moi, je me suis régalée... C’était à Perpignan.
En même temps, comme j’ai fait beaucoup de sport, on sait bien que dans le sport, il n’y a pas d’homosexualité mais j’ai fait quand même des rencontres intéressantes pendant ma carrière de nageuse.
Moi je suis arrivée ici en 84. J’allais à la Chimère. Et puis certaines connaissent peut-être le L. Ça a été des grands moments : c’est la première fois que j’ai rencontré une femme en costard-cravate-pipe et ça m’avait fasciné, j’avais 20 ans.
Et puis, il y a eu le CEL. Et le CEL, j’ai mis 4 mois pour passer l’entrée tellement j’étais terrorisée par ces 400 femmes... La première fois, j’y suis allée, je n’ai pas passé l’entrée. La deuxième fois, j’y suis allée, j’ai fait 3 pas. La troisième fois, j’y suis allée, j’en ai fait 4 et finalement je suis rentrée dans le CEL...
Mais il y avait quelque chose qui me dérangeait... c’était pas forcément ce qui me convenait le plus et puis il y a eu la rencontre avec Agnès et Laurence et les 3 G, et là, ça a été une bouffée d’oxygène...
Le lieu était absolument terrifiant. Elles cherchaient des sous, on a fait une fête, on a récupéré des sous mais surtout beaucoup de cafetières et de tasses à café... Avec ça, on n’a pas fait grand-chose. En plus, moi, je ne savais rien faire au niveau bricolage donc j’ai donné des sous, j’ai collé les boites à œufs au plafond pour faire l’isolation. Agnès me disait : Tiens, comme ça (un bras en l’air)... Il fallait tenir un1/4 d’heure. Agnès me disait : C’est bon ! Je lâchais : boum, ça tombait et on recommençait... (rire). Les fameuses peintures au pochoir très à la mode, etc... Et ma compagne, qui elle est systématiquement dans l’acte, Elizabeth a refait l’électricité. Et d’ailleurs, elle a refait l’électricité cette année aux 3 G, comme quoi, l’histoire se répète...
Donc la première fête pour les travaux des 3 G, c’était les Bigoudies et le Collectif Gay et Lesbien qui l'organisaient. Et le CEL a donné aussi de l’argent. Au départ, je me souviens, il y avait eu un film au César et on était plein de lesbiennes et il y a eu une réunion improvisée où on avait dit : Maintenant, y en a marre du CEL, on va créer les 3 G, on étouffe au CEL, c’est un scandale, etc... C’est parti comme ça, on ne va pas revenir sur Agnès, Laurence et Sylvie... En tout cas, nous on s’est lancé là-dedans. Et pendant 6 mois, 1 an, 2 ans, il y a eu des fêtes terribles. Je me suis fâchée très longtemps avec des amies proches parce que j’étais aux 3 G et pas au CEL. Ça a été terrible, des engueulades terribles... Mais maintenant tout est rentré dans l’ordre, maintenant tout va bien ! (rire)
Je voulais revenir en arrière : je ne me considère pas comme une militante lesbienne, je serai plutôt une militante de gauche. Parce que dans mon histoire personnelle, j’ai eu à faire au FN parce que je travaillais à Vitrolles et ça a été une grande obsession pour moi. Ça m’a pris beaucoup, beaucoup de temps et d’énergie et du coup, je me suis un peu éloignée du combat homosexuel.
En puis en 2005, je suis rentrée au CA des 3 G, je crois que c’est 2005, il y avait Robie d’ailleurs. On avait touché une subvention de l’Europe et j’avais déjà l’obsession de changer le bar de place mais on a utilisé cet argent pour autre chose... Ça m’a agacé et je suis partie des 3 G... (rire).
Mais il y a eu un moment important, maintenant on peut en parler car il y a prescription, c’est les Franches Plombières avec Christine B., Sylvie M., Patricia G. et Laure M.... et ces affiches sont de nouveau aux 3 G.
C’était en 97, le grand combat contre le FN et on sortait avec casque, lunettes noires en toute intimité pour faire de l’affichage sauvage. Et je me souviens que ça rendait folle Laurence C. aux 3 G qui ne savait pas qui étaient les Franches Plombières, on avait décidé de ne pas en parler et ça la rendait dingue... Elle disait : mais qui c’est ces nanas ? je disais : Ben, je sais pas... (rire) elle disait : Si, tu le sais... non, je sais pas qui c’est... (rire) J’ai appris beaucoup, beaucoup de choses avec les Franches Plombières, on s’est beaucoup engueulé aussi mais ça fait partie...
Et puis après je me suis installée tranquillement dans ma maison...
Et puis est arrivé le mariage pour tous et là, j’ai rien compris, j’étais persuadée que ça allait passer comme une lettre à la Poste... j’ai commencé à voir ces fous furieux et ces folles furieuses... j’ai commencé à rire... puis après j’ai moins ri, puis je me suis affolée... Puis je me suis dit : Non, mais attends, qu’est-ce tu fais ? Tu as 50 ans, t’es pénarde dans ta maison, eux, ils sont dans la rue, tu bouges pas, tu fais rien... Il faut qu’on se remette à se bouger.
Et puis un jour, j’ai reçu un texto de je ne sais qui qui m’a dit : il y a assemblée générale aux 3 G. Je suis venue voir et j’ai levé la main... et nous voilà de nouveau aux 3 G à faire ce que je sais faire, c-a-d le bar car maintenant, il est en long, j’aurai mis 10 ans pour avoir le bar en long... (rire). Et me voilà dans un militantisme sans doute beaucoup plus visible que sur les autres années car maintenant je suis sortie du placard. Et donc je me montre en faisant en sorte que les 3 G soient le plus visible possible mais aussi le plus ouvert possible.
C’est souvent ce qui nous oppose avec CEL : la mixité, la non-mixité... Je partage complètement la réflexion qu’on se fait qu’ils occupent la place et je pense qu’il faut qu’on l’occupe face à eux, absolument, en permanence. Je sais pas si on y arrivera, mais en tous les cas, il faut pas leur laisser la place et il faut agir tout le temps...
Les Franches Plombières, c’est 97, la montée du FN et moi en plus, je travaillais à Vitrolles donc j’avais Mme Mégret comme maire, donc j’étais complètement obsédée par ça. Je crois que c’est Elizabeth qui connaissait Laure. Et puis on s’est rencontrées, on s’est vues plusieurs fois chez Christine, puis chez vous (Sylvie et Patricia). C’est Laure et Patricia qui faisaient les visuels. Nous on fait les petites mains, on affichait... On décidait ensemble mais on partait afficher... On avait toujours peur des flics, etc... Entre temps, on insultait quelques mecs qui pissaient dans la rue, on les poursuivait en disant: ho, espèce de cochon, etc... C’était très drôle ! On a fait ça un moment quand même... il y avait une affiche qui avait fait grand débat ici : c’était le FN, ça ravage où on avait utilisé la photo de Brigitte Bardot. Parce qu’il fallait pas toucher à Brigitte Bardot. Mais nous on trouvait intéressant de toucher à Brigitte Bardot. Et également parce qu’on faisait de l’âgisme...
Je sais plus qui j’ai rencontré il n’y a pas longtemps qui m’a demandé : tu sais qui c’était ? Et effectivement là, pour remettre les affiches aux 3 G, j’ai demandé à Patricia si on pouvait les utiliser et je lui ai demandé tout à l’heure, si on pouvait parler des Franches Plombières, si on pouvait mettre sur le tapis ce moment vraiment intéressant, vraiment super ! On avait affiché là devant les 3 G et sur le cours Julien.
Ici, il y a eu une soirée qui s’appelait les Vieilles Pies où on s’est toutes retrouvées : c’était génial, c’était vraiment bien... organisée par Agnès.
Nous, ce qu’on souhaite aux 3 G, c’est que ça redeviennent un lieu de toutes les rencontres, avec le plus de débats possibles, militant au sens large pas uniquement militance homosexuelle... On peut être à droite mais comme je dis souvent aux copines : tu peux être à droite mais ici tu fermes ta gueule... (rire).
Remettre bien le lieu à gauche parce que je pense qu’on est dans une situation difficile de crise grave et qu’il faut rester extrêmement vigilantes et surtout très réveillées car sinon, il sera trop tard. Et je pense que ça doit venir de nous les femmes...
Le lieu à gauche, la vraie gauche pas celle du PS (rire)... Ici, il y a eu des grandes soirées électorales aux 3 G... parce qu’il y avait le FN mais pas que... on y a débattu, on y a bu, on s’est engueulé...

Documents contenus dans le témoignage
Les 3 G Les Franches Plombières