Cathy !

Cathy

Cathy P.
63 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

Cathy P. photographe, j’ai 63 ans et je suis rentrée en militance pour une histoire d’amour.
J’ai rencontré Suzanne qui vivait dans les Cévennes dans un endroit reculé et qui pour être en lien avec tout le milieu lesbien, lisait beaucoup Lesbia, les annonces, etc... et qui a découvert Cineffable à Paris.
Donc on s’est rencontrées en juin et en octobre qui a suivi, on était à Cineffable. Et là comme toute personne allant à Cineffable, on s’est retrouvé dans une ambiance avec des films qui parlaient de nous et il y avait un mot qui revenait tout le temps c’était culture lesbienne.
J’ai commencé à m’interroger sur ça. Je me suis rendu compte que pour moi la culture lesbienne c’était nous, c’était nous qui la faisions. Ça parlait de nous mais c’était aussi à nous de la construire. Et je me suis dit que le meilleur moyen de parler des lesbiennes, c’était de les montrer.
Donc, il m’est venu une idée de portrait et de séries de portraits. Et après l’idée du portrait seul a tourné et est venue l’idée du couple.
Parce qu’en fait mon idée c’était ça, les histoires d’amour et ça s’appelait "Parlez moi d’amour" la première série.
Toujours par Suzanne, on est venue sur le CEL à Marseille. On est venues dans les fêtes et l’idée est venue de faire pendant les soirées ces séries de portraits. C’était un peu spécial car les filles n’étaient pas très habituées à se laisser photographier donc au bout de deux, trois verres vers une heure du matin, c’était plus facile qu’à onze heures.
Cette série de portraits, je l’ai présenté à Paris à Cineffable et à partir de ça, je suis rentrée un peu plus en contact avec le CEL et les filles de Marseille.
Je suis venue à "Nana-thèmes". J’ai fait pour la première fois les concerts des Belladonna.
Et après le CEL, je suis entrée en contact avec les Bigoudies. Alors ça, c’était d’autres fêtes, on va dire, c’était peut-être plus chaud, un peu plus subversifs. Et ça donnait des photos assez intéressantes.
À partir de ces photos-là, je suis rentrée dans tout ce qui était le milieu lesbien mais avec ma façon à moi de militer, c’est-à-dire, la photographie. Je faisais pas spécialement de manifs, pas spécialement d’actions. Moi mon langage c’était la photo.
En fréquentant le milieu lesbien, j’écoutais... En étant artiste -c’est un bien grand mot- on est un peu éponge, on emmagasine plein de choses, on pompe plein de choses et on se rend compte qu'à un moment donné, ça débouche sur une idée ou sur quelque chose à dire. Donc c’est comme ça que j’ai travaillé aussi sur le SM, sur pourquoi les backrooms, ça fonctionne pas chez les filles...

Toutes ces photos, c’était des photos de "photographe" en noir et blanc, très posées... et nous étions toutes belles.

Mais vous êtes toujours belles (rires) !! Enfin, nous sommes toujours belles !
Ipso-facto, c’est un peu différent car un soir, dans une fête, Céline que je ne connaissais pas, est venue me voir et m’a dit "J’aime bien tes photos et je veux lancer une ligne de tee-shirt et j’aimerai bien que l’on collabore". Ipso-facto, c’était quand même beaucoup les idées de Céline. C’était le but, il fallait mettre les tee-shirts en valeur surtout dans le premier, celui qu’on a fait en couleurs, un peu comme un catalogue. Elle voulait faire un objet publicitaire qui parle de son produit et qui, en même temps, permette de communiquer. Donc elle avait ses idées, elle avait ses modèles, c’était que des filles lesbiennes et c’était très bien car comme il fallait parler de sensualité lesbienne, il n’y avait pas beaucoup à forcer. J’aime pas dire "Fais comme ci, fais comme ça" d’ailleurs je le dis jamais car j’ai horreur de ça même dans les portraits, je donne des idées en fonction des gens mais je ne donne pas des directives. Et là, c’était les idées de Céline.
Ensuite, le deuxième calendrier, celui en noir et blanc, qui était "Le baiser et l’étreinte" là c’était plus pour vendre les tee-shirts, c’était pour parler de la sexualité, de la sensualité lesbiennes, la marque Ipso-facto ayant fait son chemin c’était un objet Ipso-facto sorti des tee-shirts.
Et le troisième, puisqu’il y en a eu 3, elle a fait appel à 4 photographes où elle a représenté les 4 saisons. Celui là, pour moi, il a été plus difficile, peut-être que mon ego en avait pris un coup, parce que j’étais pas la seule... je sais pas. Mais c’était très difficile surtout qu’au début, je devais faire le printemps puis la personne qui devait la suite ne pouvait pas le faire. Donc il a fallu que mes photos passent dans l’été, donc il fallait tout réinterpréter. Et dans ce calendrier, il y a notamment Naïel qui était différente de maintenant et qui pose dans un champ de coquelicots avec sa copine de l’époque. C’est une petite anecdote : elles sont venues dans les Cévennes, on était au bord de la route, on avait trouvé un champ de coquelicots et les gens passaient en voiture et il y avait les deux en train de s’ébattre... Chris tenait une couverture pour cacher que les gens de la route ne voient pas... c’était assez marrant. car on voulait le faire avec des vrais coquelicots pas des en plastique.

Tu as été aussi la photographe des Belladonna ?

Oui, ça c’est une autre histoire, ça a fonctionné tout de suite lorsqu’elles ont vu les photos que j’avais fait à Nana-thèmes, ça leur a plu et on a collaboré pendant très, très longtemps. Et encore dernièrement avec l’album des Loup-garous. Cela faisait 4-5 ans que je ne les avais pas photographiées et elles sont venues me chercher à la maison en disant "On va à Toulouse, viens avec nous". J’ai ressorti les appareils mais en fait, c’est comme le vélo, la photo, ça s’oublie pas !
Je fais moins de photos maintenant, j’ai pas le temps, je fais autre chose mais j’ai une page Facebook que je n’utilisais jamais car les réseaux sociaux et cette espèce de vitesse de communication, ça ne me va pas toujours parce que je trouve qu’on a pas le temps de réfléchir, on a pas de recul sur les choses... Donc je ne m’en étais jamais servi mais suite aux photos des Belladonna, j’ai acheté Facebook pour les nuls (rire) oui, oui, ça existe, j’ai un peu regardé et ça m’a redonné le goût... j’ai un site internet mais le copain gay qui s’en occupait a disparu avec les codes et je peux plus rien en faire, il n'est pas à jour.

Et tes photos sur le SM, tu peux nous en parler un peu plus ?

Sur le SM, ça s’appelait "Women zone". Je suis aller dans une boite de garçons avec ce copain gay et il y avait un endroit backroom marqué "Men zone" et j’ai trouvé ça intéressant. Ça m’a donné l’idée de faire la même chose. Car quand je discute avec les filles... mon interrogation c’était : est-ce que nous lesbiennes, on est condamnées à tomber amoureuses, à faire l’amour et on n’a pas le droit de baiser... c’était ça mon interrogation. On n’a pas le droit de baiser ! Si on veut on le prend mais c’est pas dans les... Vous connaissez l’histoire : que font 2 lesbiennes au 2eme RDV ? elles commandent le camion de déménagement. Que font 2 gays au 2eme RDV ? quel 2eme RDV ?! C’est vrai que ça fonctionne pas, les backrooms de filles... les quelques tentatives, je trouve que ça fonctionne pas. Quand cet été, il y a eu pendant l’EuroPride, à l’Intermédiaire, il y a eu une backroom organisée, on y est allée... on était que nous, c’était peut-être pas la bonne heure, mais on était 5, ça commençait à devenir chaud. Le temps de se retourner, on était plus que trois ! Il y en avait 2 qui s’étaient enfuies. Donc... (petit rire) bon ! Ça nous a pas dérangé mais... c’est comme ça. Est-ce que c’est dû à notre sexualité, à notre conditionnement ? est-ce que c’est biologique, est-ce qu’on fonctionne hormonalement comme ça ? ou est-ce qu’on traîne un lourd bagage qui fait que les femmes n’ont pas le droit de baiser pour baiser ? Peut-être qu’avec l’époque... Ces photos, je les ai faites en 2006, je les ai faites dans le cadre du colloque lesbien qui a lieu à Toulouse tous les ans. j’avais proposé ça, puisque c’était sur le corps, à la Luna Loca. On avait légèrement transformé, on avait enlevé le baby. On avait avec des tissus des petits coins, c’était tout petit. Et les filles ont beaucoup joué le jeu. Moi j’étais dans un petit coin avec l’appareil photo et de temps en temps je faisais une photo. C’était très, très chaud ! Et dans la semaine qui a suivi, j’ai reçu plein de mails : "La fille rousse dans la backroom, t’as son adresse ?" etc... Pourtant, elles se connaissaient pas, elles étaient 5-6 ensemble, etc.. et pourtant elles passaient par moi... pour commander le camion de déménagement. Et en vacances à Saouis en été, j’avais mon idée pour Cineffable en octobre et j’avais fait une petite enquête. À table, j’avais distribué des papiers : si les backrooms de filles existaient, est-ce que vous y iriez ? oui - non -pourquoi ? Je me suis servie de ces écritures que j’ai intégré à l’expo. L’expo c’était comme un album que tu feuilletais et j’avais mis les écritures autour, c’était marrant... Il y en avait très, très peu qui disaient oui, j’irai. Une espèce de peur, la peur de je sais pas quoi d’ailleurs... Moi je voulais un constat, c’est un petit truc. Si on faisait ça 50 fois, on aurait peut-être pas 50 fois les mêmes réponses. Mais là, moi j’ai eu ce à quoi je m’attendais, je me faisais pas d’illusions. Peut-être que la jeune génération est plus délurée... davantage prête à ça mais... Hier soir aux 3 G, j’y suis restée toute la soirée et j’ai vu des nanas au bout d’un moment qui pleuraient, ça pleurait dans un coin, ça pleurait dans un autre coin... ! Alors est-ce que c’est hormonal ça chez nous ? ou est-ce qu’on est conditionné ? je sais pas. je connais pas bien la réponse... Les filles, ça pleure dons c’est normal ! Mais est-ce que ça pleure parce que ça a des hormones pour pleurer ou bien est-ce que ça pleure parce qu’on nous a dit que les filles ça pleure ?

En tout cas, merci pour cette belle initiative...

Documents contenus dans le témoignage
CEL