Éveline !

Éveline

Éveline B.
64 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

Patricia : Éveline, je te connais depuis longtemps, depuis 77 je crois. La première fois que je tʼai vue, cʼétait à la manif de nuit aux flambeaux à Aix-en-Provence, la manif de femmes et tu étais en train dʼengueuler un mec dans une rue dʼAix parce quʼon allait faire cette manif et, comme dʼhabitude, il y en avait un qui ne devait pas comprendre ce quʼon faisait et tu lui expliquais... (rires) et après je tʼai toujours vue !

À lʼépoque, je vivais encore à Aix et la première fois que je suis descendue à Marseille, il y avait le centre des femmes et il y avait en 76 le procès des filles du MLAC et on était venues demander aux filles de la Maison des Femmes de venir soutenir le jour du procès.
Jʼai fait une rencontre et je me suis retrouvée à venir vivre à Marseille en 77 et en 78, jʼai ouvert un restaurant rue des 3 Rois qui sʼappelait la Rue Elles. À lʼépoque, il y avait si peu de lieux, on dira alternatifs, que cʼétait le lieu de rdv des motards, des gauchos, des homos, toute cette population qui pouvait se chercher des lieux à Marseille où il nʼexistait pas beaucoup de choses.

Patricia : Juste avant ou en même temps que tu as ouvert la Rue Elles, on sʼétait retrouvées dans ce tout premier groupe de lesbiennes quʼon avait créé à Marseille et tu y étais avec Marie Claude... ? Je me souviens de ça, que nous faisions les réunions de ce groupe. Ce lieu était un des premiers lieux et en même temps il y avait le Perlimpinpin, tenu par Marie Chantal et Marlène (qui a été ensuite aux 3 G) et Clémentine qui était mitoyen de la Rue Elles tenu par Alex, Yves et Patricia, vous étiez les 3 seuls restaurants du quartier et finalement, cʼest vous qui avez lancé le quartier du Cours Julien.

Oui, puisque tout a disparu, ici cʼétait les anciennes halles de Marseille et en 76 ils ont déménagé aux Arnavaux et donc tous ces locaux se sont vidés et on sʼest tous précipités sur les locaux, moi jʼai pris une murisserie de bananes (rires)

Valia : Quel est ton meilleur souvenir de militantisme sur Marseille ?

Il y avait tellement de choses... Pour la fête, cʼétait certaines fêtes qui ont eu lieu aux 3 G ou aux Bigoudies, où ça partait en live mais dans le bon sens, où tu te dis que cʼest bien de pouvoir vivre ça et en tant que militante, je sais pas... jʼai 40 ans de militantisme, jʼai un millefeuille dans la tête, je sais plus quoi extraire... (rires)

Valia : Au CEL, cʼest quoi tes souvenirs ?

Jʼai des souvenirs de soirées mais je ne suis pas une militante du CEL. Je suis solidaire mais je ne vais pas aux réunions, je ne vais pas au CA, ce sont des amies. J'ai toujours eu un pied un peu de partout mais c'est la première fois que je me suis engagée, inscrite au bureau, cʼest aux Municigays. On ne peut pas être partout à la fois et de plus, j'ai toujours été indépendante.

Valia : Et pourquoi cet engagement aujourdʼhui ?

Parce que quand tʼes employée municipale, ça va assez de soi... et Sylvie avait lʼénergie et elle avait besoin dʼune trésorière, donc cʼest moi, cʼest pas une autre... elle mʼa convaincue.

Patricia : Cet été vous avez fait des actions dans le défilé, vous aviez un camion important ?

Oui, on avait un énorme truc, monstrueux, le plus gros camion de la mairie de Marseille sur lequel la mairie a mis pour 10000 euros de sono, de bars,... On a été suivies par la mairie de Marseille. C'est un gros engagement pour la mairie parce que là on parle de la préhistoire. C'est beaucoup d'énergie...

Quelquʼune : Et il y a 30 ans à la mairie de Marseille, comment ça se passait avec le milieu lesbien ou homo ?

Cʼest rigolo parce que tout à lʼheure je fouillais dans les papiers, jʼai retrouvé un papier où on parlait dʼune rencontre avec quelquʼun de la mairie donc ça donne quelques pistes... Mais moi à lʼépoque, jʼétais une petite militante de base, jʼétais pas dans ce genre de rapports. Moi jʼétais celle qui allait coller des affiches ou qui secouait les journalistes, jʼétais plutôt là.
Mais vis à vis de la mairie, on a mis en place une ligne dʼécoute, qui est ouverte tous les lundis soirs 2h de 19 à 21h, on est annoncé au dos du bulletin de salaire, dernièrement il y a eu tout un article sur moi dans le journal des municipaux, le CCAS (Centre communal d'action sociale) fait passer des infos sur les familles homoparentales par exemple, il y a des droits, il faut que tout le monde le sache. Dans la réception des homos qui arrivent, il y a eu une formation du personnel, il y a plusieurs trans à la mairie et on donne des fringues de mec à un mec qui est trans, alors on fait comment ?
Donc on fait remonter lʼinfo et aussi tous les droits qui ne sont pas demandés, qui sont tus sous prétexte que ça ne se dit pas.
Quand tʼas des enfants avec ta compagne, tu ne le dis pas forcément et du coup tu nʼas pas droit à tout ce qui va avec, les chèques vacances,etc... et si tu vas à un truc, ta compagne est invitée du coup cʼest beaucoup plus cher que si tu dis que cʼest ta compagne. Les enfants nʼont pas les cadeaux de Noël, ils nʼont pas les trucs pour lʼécole, ... cʼest toutes ces petites choses là sur lesquelles on informe les gens.
En ce moment, un de nos adhérents a un gros problème dans son service, on supprime son poste depuis quʼil a dit quʼil était gay...
Le 1er décembre on a fait une action et comme il est aux éclairages, il voulait que le lieu de lʼaction soit une fontaine éclairée en rouge car depuis qu' il a dévoilé son homosexualité, ça nʼa été que des brimades jusquʼà ce quʼon lui supprime son poste.
Enfin on se bat, pas tout le temps, des fois cʼest facile avec certains services et avec dʼautres moins mais petit à petit, on fait bouger le mammouth.

Patricia : tu me disais que vous avez adhéré à une association nationale qui sʼappelle Homoboulot ?

Cʼest une association qui regroupe toutes les associations qui se déclarent sur les lieux de travail (comme les impôts, la SNCF, SFR, la Mairie de Paris, celle de Marseille, Air France). On a adhéré officiellement ce midi, ils se sont déplacés exprès à Marseille pour nous rencontrer.

Patricia : Finalement un peu plus de 30 ans plus tard, tu te remets à militer...

Oui, mais regardons nous... Qui cʼest qui a moins de... jʼose même pas dire 40 ans, qui a moins de 50 ans ? (rires) Où elles sont les jeunes qui militent ? Yʼa plus personne, elles viennent ici, aux 3G parce que cʼest un lieu de vie, de fête, mais quand on est descendues sur le port tout à lʼheure il y avait personne en dessous de 40... Il y a un problème, il n'y a pas de renouveau... Il y a tellement eu dʼacquis, parce que quand même il sʼest passé beaucoup de choses : il y a 6 mois, je pleurais devant ma télé parce que je voyais 2 mecs se marier et je me disais : "Tu tʼes pas battue pour rien toute ta vie!". Tous ces gens, ils voient tout arriver mais ils ne savent pas dʼoù ça vient et comment cʼest venu. Mais il faut continuer à se bouger mais il faut des relais.Si le relais ne se fait pas...

Patricia : Dʼoù lʼidée de la transmission...

Oui, sinon on part avec ! (rires). Il faut bouger et à mon niveau sur mon lieu de travail, oui, on arrive à faire bouger les choses. Je dis pas que tout est parfait mais manifestement, ça les interpelle et ils comprennent bien quʼil y a une vague à suivre mais cʼest parce que il y a la loi, ce nʼest pas nous.
En ce moment, tout le monde utilise tout le monde : eux parce quʼils se font un petit cadre, on sait que le maire dit "Nous avons les Municigays"... Mais nous, ce qui nous intéresse ce sont les agents. Un agent qui n'est pas bien
sur son lieu de travail, cʼest un agent avec qui il y a un problème, alors il peut y avoir 36000 raisons mais celle-là, cʼen est une sur laquelle on peut agir.
Et puis comme je disais tout à lʼheure, ils ont des droits que personne ne respecte ou quʼils nʼosent même pas demander. A ce niveau-là, depuis 2 ans quʼon a mis ça en place, on a bien bougé, après on n'est jamais satisfaits mais ça fait bien bouger les choses quand même...

Documents contenus dans le témoignage
MLAC La Rue Elles, le restaurant d'Éveline Cours Julien O 3G La Plage Les Bigoudies Les Municigays Municigays