Nouria !

Nouria

Nouria
60 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

Comment j'ai commencé mon parcours militant, et bien, je l'ai commencé très tard ! J'ai compris que j'étais homo en 70/72. J'étais au lycée rue Saint Savournin, lycée technique qui existe toujours. C'est là que je me suis rendue compte que j'étais attirée par les nanas. Et quand j'ai rencontré un garçon, Jacques, un asiatique, qui venait me chercher à l'école, tout le monde disait : "Elle est avec une fille !" Ça m'a interpellé car je me demandais pourquoi j'allais avec ce garçon très efféminé... Il ne s'est jamais rien passé d'autre qu'un flirt. Et grâce à lui, j'ai découvert ce milieu homo qui était dans la rue Curiol, fait de travestis, de prostituées. D'ailleurs, ma meilleure copine pendant des années dans ce milieu de prostitution, elle s'appelait Claudia, c'était la plus terrible des prostituées ! Une autre aussi Chantal avec qui on a bien délirées. C'était mon point de chute et ce qui arrivait souvent, c'est que je n'allais pas en cours et j'étais souvent au bar avec les copains et les copines.

Patricia : Il faut dire qu'à cette époque là, il n'y avait pas d'autres lieux !

Oui, un petit lieu s'est ouvert à l'Odéon au premier étage, c'était des femmes très masculines, hyper masculines. Chez Moon à côté c'était rien ! C'était beaucoup de nanas proxénètes, n'ayons pas peur des mots. J'y suis allée mais très vite, ça ne m'a plus intéressée car c'était trop hard, trop d'histoires... Je préférai la rue Curiol et me retrouvais avec ces trans et ces prostituées. J'étais leur petite chouchoute : "La petite, on y touche pas". J'ai de très bons souvenirs là. Il y avait aussi un bar à la place de Maupetit, la librairie sur La Canebière, qui s'appelait "Le Petit Duc". C'était le lieu où tout le monde se réunissait. Quelques années après, il y a eu aussi Le Cintra où beaucoup de nanas et de mecs homos y allaient. Il y avait aussi beaucoup de prostitution à cette époque là. Je tiens à dire que moi j'ai échappé à la prostitution (rires)...

Patricia : C'était la prostitution masculine pour les homos ?

Oui, oui... j'ai connu deux garçons charmants Marc et Patrick qui se prostituaient avec des mecs. En 78, j'ai commencé à partir en Italie avec mon amie parisienne avec qui j'ai eu une histoire de 4/5 ans. On est revenues ensuite sur Paris et on s'est séparées. Ensuite, je suis repartie en Italie et je ne suis plus repartie car je suis tombée amoureuse de cette femme qui était beaucoup plus agée que moi, ce qui ne me posait aucun problème. Ce qui m'a posé problème ensuite, c'est qu'elle buvait beaucoup et qu'elle devenait violente ! En 86, je revenue vivre à Marseille mais entre-temps, j'ai gardé des liens avec Alex et Yves, Patricia, toute cette bande de copains et de copains de l'époque. En 79, j'étais revenue d'Italie pour l'inauguration de "Chez Clémentine", le premier restaurant d'Alex et Yves. Et à chaque fois que j'avais des soucis avec mon amie, c'était à eux que je téléphonais. Et un jour, ils m'ont dit : "Tu n'as qu'à faire tes valises !" et c'est ce que j'ai fait. Je suis donc revenue en 85 et j'ai retrouvé Claudia, ma copine prostituée et comme j'avais pas de boulot, je gardais son fils.
Quelques années après, Alex et Yves ayant monté "Il Caffé" sur le cours Julien, ils m'ont proposé de travailler avec eux et j'ai dit oui. C'est là que j'ai rencontré Éveline, Filo, Sylvie, Maryline, toute cette bande de fille...
Jusque là, je ne militais pas mais j'ai toujours affirmé mon homosexualité, même en 77, quand j'ai travaillé dans un centre social, j'ai toujours dit que j'étais homo. J'ai toujours vécu mon homosexualité librement. J'ai peut-être eu la chance de travailler dans des milieux où il y avait plus de tolérance... sûrement... J'en avais parlé à mes parents le jour où j'ai décidé de partir vivre en Italie. Mon père avait déjà compris car il étais venu me chercher au Petit DUC, car je n'étais pas allée à l'école et donc il était venu me chercher au bar. En rentrant, j'ai reçu la raclée de ma vie mais je ne sais pas si c'était pour le fait que je n'allais pas à l'école ou parce que je fréquentais des prostituées et des trans ! En tout cas, chez moi, les trans et les prostituées étaient bien reçus, mes parents on toujours reçu tous mes amis sans porter de jugement. Juste ma mère avait dit lors de mon départ en Italie : "Chez nous, ça ne se fait pas". J'ai alors commencé à énumérer tous les gens d'origine arabe qui étaient homos et elle m'a regardé et m'a souri... Il y a eu des pleurs aussi plus tard... Mais à chaque fois qu'on venait à Marseille, elle adorait présenter ma copine à toutes ses amies ! Elle l'amenait dans les fêtes, dans les mariages... (rires) Je pense que j'ai eu de la chance avec mes parents, j'ai eu de l'amour, beaucoup d'amour !

En 89, j'ai décidé d'ouvrir mon resto "Le Scalino" qui était plus pour moi un lieu d'échanges, un lieu de vie, un lieu de partage, un lieu que j'ai gardé 10 ans. Je l'ai vendu pour des raisons de santé. C'est là que j'ai rencontré des gens qui étaient dans le militantisme, il y avait beaucoup de réuninons du collectif gay et lesbien qui se tenaient au Scalino. C'est là que j'ai recontré Sylvie M, Patrcia G, Christian DL, Odile... J'apportais mon concours pour organiser les grandes soirées. Il y a eu aussi des grands événements où il fallait être présent, des grosses manifs, aller à la Mairie, faire le forcing pour le PACS, j'étais toujours présente, j'y allais ! Il y a eu aussi Act-Up. La première intervention d'Act-Up, c'était devant le Virgin, je me rappelle comme si c'était aujourd'hui. je me rappelle que c'était que des garçons, j'étais la seule fille avec Dominique D. J'avais dit à Dominique : "Et si on y allait ?". On avait fait un "die-in" en s'allongeant par terre devant le Virgin. et c'est là que je me suis rendue compte des dégâts que le sida avait fait. Surtout au niveau des droits... Act-Up, c'était des garçons charmants : Pascal et Georges qui sont toujours là et qui vivent à Paris. Par contre, il y en a plein qui sont partis, qui nous ont quittés, de cette bande de garçons. Ce sont des souvenirs qui me font chauds au cœur parce que c'était vraiment une relation humaine, une vraie aventure humaine... Ça a été les plus belles années de ma vie. Bien sûr, ça a été dû aussi à la naissance de ma fille en 90. Ça aussi, ça a été magique. Toutes ces années, ça a été les plus belles, où j'ai rencontré tous ces gens qui se battaient pour des droits pour tous, qu'on soit tous égaux. Je me rappelle une fois, à la Conception, on s'est tous enchaîné car il fallait que ces gens qui étaient malades, on les respecte, on leur donne à manger quand ils avaient envie, pas à leurs horaires à eux... À l'Hôpital, le plateau-repas arrivait à heure fixe et si les malades n'avaient pas mangé, ensuite c'était trop tard. Il fallait se battre pour que ce repas soit dans une salle et que, quand ils avaient faim, on leur donne à manger... On a fait cette action avec Act-Up.

Patricia : Le Scalino, c'était un lieu de réunions où on s'organisait... On s'y retrouvait pour parler des actions à mener.

Tous les moments forts qu'il y a pu avoir... la Manif contre le FN... on revenait des manifs, on était exaltés, on hurlait, on voulait prendre les armes... (rires). C'était fabuleux ! On se retrouvait pour parler, dire ce qui nous dérangeait, on était toutes et tous dans le même truc. Il faut être vigilant, il faut défendre nos droits, se battre parce que rien n'est jamais acquis, jamais... Aujourd’hui on a ça mais on sait pas si ça va tenir !

Patricia : Tu es allée au CEL ou pas plus que ça ?

Les soirées du CEL, oui, j'y suis allée. Les premières étaient au Palace Longchamp. Ce sont les premières soirées que j'ai faites. Et après, il y a eu le Florida Palace et Château des Fleurs. Mais j'étais plus dans la mixité. Je voulais défendre ça, la mixité. C'est pour ça que je n'ai jamais été adhérente du CEL, je suis désolée de le dire (rires). J'ai été adhérente des 3 G. D'ailleurs les 3 G, ça s'est décidé au Scalino. Laurence et Agnès avaient ce projet, donc elles sont venues nous en parler, en parler à Sylvie et Patricia. Elles nous ont dit : "On a trouvé un local, on a envie d'ouvrir un lieu. Qu'en pensez-vous, les filles ?" Et nous on a tout de suite dit qu'on organisait une soirée pour réunir des fonds. On a cherché à louer une salle, organiser la soirée pour apporter des fonds pour que les filles puissent ouvrir les 3 G. On avait fait une superbe soirée dans une salle rue Fort Notre Dame. Je n'avais personne pour garder Camille, ma fille et je l'ai emmené et elle s'en souvient encore d'avoir dormi dans le vestiaire... (rires). Camille d'ailleurs se souvient très bien de tous ces moments au restaurant. Pour elle aussi, ça a été une très bonne époque...

Documents contenus dans le témoignage
Le Scalino Nouria Le Scalino