Marylou !

Marylou

Marylou
60 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

J'ai découvert mon homosexualité un petit peu tard, vers 24 ans, donc j'avais eu des histoires avec des gars avant. Et à partir de ce moment-là je n'ai eu de cesse de trouver un lieu où il y avait des femmes comme moi parce que je ne connaissais que moi, j'avais 2 copains gays mais à part ça, rien d'autre.
Donc je suis allée à le boulangerie, j'y suis allée 3 fois, une première fois je ne l'ai pas vue dans la rue, une 2ème fois je n'ai pas osé frapper à la porte et une 3ème fois où là j'ai fini par rentrer et là il y avait une femme qui tenait le bar, donc je suis allée spontanément vers elle et on a discuté.
Puis après il y a eu le C.E.L et ça a été beaucoup plus intéressant parce que je cherchais désespérément la Douce Amère à l'époque mais ça venait de fermer donc je ne l'ai pas connue. J'étais lesbienne un peu trop tard, je le regrette…
Donc j'ai connu le C.E.L après, j'ai participé à différentes activités, je trouvais que c'était une association très dynamique, très intéressante, et puis comme dans toutes les associations à toutes les époques, il y a eu besoin de bénévoles donc je me suis engagée un peu comme bénévole dans les fêtes et puis après j'ai été élue au C.A., dans les années 90, j'ai "fini" présidente du C.E.L.
Mon bilan à moi, je ne sais pas trop quoi en dire, parce que ce n'est pas mon bilan, c'est ce qu'on a fait toutes ensemble à cette époque-là (durant 7/8 ans) : il y avait les militances avec les autres associations lesbiennes de France, avec la Coordination Lesbienne qui s'appelait nationale et qui s'est, ensuite, appelée en France, et à travers ça on a connu des femmes de différentes régions, c'était très intéressant, et bien sur les lieux comme Cineffable, Toulouse, aussi, qui commençait à démarrer avec Bagdam café qui existait depuis longtemps mais les Universités du Bagdam Café ont commencé à ce moment-là et puis il y a eu une résurgence sur la région des Universités d'Eté avec, en particulier, Jacques Fortin et donc étant déjà militante au C.E.L j'ai été sollicitée pour faire la jonction et je me suis aussi engagée aux Universités, dont j'ai fini présidente aussi, j'ai été aussi présidente de la Coordination mais c'est aussi un peu parce que dans ces associations là il fallait que les noms tournent un petit peu officiellement mais je ne faisais pas le travail de présidente même si j'y étais engagée.

Patricia : D'accord. En fait, on a axé les questionnaires des autres participantes sur les bons moments (où tu t'es bien éclatée avec les copines, les fêtes, les moments de partage) et les grands moments (où tu t'es sentie exaltée, faisant partie de l'Histoire)

Des bons moments, alors il y en a eu... des mauvais moments aussi mais on ne va pas en parler, tu as bien raison, ça ne présente aucun intérêt, des dissensions dans les associations, il y en a toujours mais ce n'est pas le but. Les bons moments, il y a eu des moments festifs au C.E.L qui ont été incroyables, par exemple à certaines fêtes où à une époque il y avait plus de 400 femmes qui venaient parce qu'il y avait très peu de lieux commerciaux où les femmes pouvaient se retrouver. Un soir on avait organisé une soirée moto donc on avait demandé à un copain qui révisait nos motos et qui avait des motos de collection, de nous en prêter et on a débarqué les motos à 17h dans la salle et avec des petits trucs pour les protéger quand même pour pas que les femmes qui avaient un petit peu bu, tombent dessus. Donc on avait mis une dizaine de motos comme ça, dont une grande Harley, je ne sais plus, non une Honda 1200 et il y avait une copine photographe qui faisait des photos des femmes sur la moto, des choses comme ça. Il y a eu des fêtes déguisées aussi où on s'est vraiment éclatées parce qu'on essayait de deviner qui était derrière les masques . Et puis il y avait les week-ends à Forcalquier qui étaient à la fois des week-ends studieux mais des week-ends où on rigolait bien, où on faisait la fête, où on buvait, on s'amusait bien, c'était vraiment super !
Des grands moments il y en a eu énormément parce que dans la militance… je me souviens, par exemple, une fois où on avait défilé contre Le Pen, on avait acheté des tee-shirts blancs pas chers et on avait fabriqué des tee-shirts avec des pochoirs qui disaient "Lesbiennes contre le FN" et on avait défilé comme ça dans la rue avec la bannière du C.E.L, c'était une manifestation qui était organisée par un collectif, donc on n'était pas les seules mais enfin on s'affichait quand même déjà au début des années 90 ce n'était pas évident de s'afficher dans la rue avec lesbienne écrit en gros sur le tee-shirt. Et j'avais rencontré, parce que je suis pédiatre, le papa d'un de mes patients qui m'avait fait un grand sourire, je me suis dit "Ouf ! Ça a l'air de passer. Je ne le reverrai peut-être plus en consultation".
À cette époque-là, on était toujours "oui je m'affiche, je m'affiche" mais si ça pouvait ne pas trop l'être dans le travail selon le boulot qu'on faisait. Je suppose que les gens qui avaient un boulot artistique c'était peut-être plus facile que lorsqu'on travaille dans certains milieux.

Patricia : C'est certain, on ne se rend plus compte mais c'est une époque où ce n'était pas si facile d'être à visage découvert 

Alors ce n'était pas si facile et je pense que ça ne l'est toujours pas maintenant avec la remontée de l'ordre moral qui existe à l'heure actuelle.
C'est vrai qu'il y a beaucoup, beaucoup de choses qui se sont passé. Ce que je peux dire, ce que j'ai retenu, c'est la rencontre avec beaucoup de femmes extraordinaires. J'ai beaucoup, beaucoup aimé militer parce qu'il y avait des liens très profonds qui se créaient et, d'ailleurs, j'ai gardé des amies (à travers toute la France et ailleurs) avec qui je m'entends très bien et ça j'en suis ravie. Et c'est quelque chose qui a impacté sur ma vie, très fortement, parce qu'on était quand même un peu dans la galère , on avait vécu des choses très difficiles, d'abord dans la négation de notre homosexualité, quand on était jeune on avait pas du tout conscience d'être homosexuelle et quand on en a pris conscience, ça a été une grande libération d'abord et puis de trouver des femmes qui avaient vécu la même chose et qui s'étaient libérées comme nous c'était absolument extraordinaire. Puis on avait envie d'y arriver, de faire avancer les choses, pour celles et ceux qui voulaient du mariage, du PACS, il y a eu des tas de luttes comme ça qui se sont déroulé à cette époque-là qui étaient très fortes. Au C.E.L , par exemple, on a été une des premières associations à demander des subventions donc on avait monté un dossier de santé lesbienne et un autre sur l'écoute lesbienne et là aussi il y a eu des moments très intenses, avec des femmes qui étaient vraiment en détresse, séquestrées et le côté positif c'est qu'on arrivait à leur dire au téléphone pour le moment écrasez-vous et dès que vous le pouvez, vous partez avec les enfants et des fois on retrouvait ces femmes comme bénévoles avec nous à la section écoute, ça a été le cas pour une femme. C'était très intéressant de voir l'évolution de toutes ces femmes et de nous-mêmes en même temps.

Documents contenus dans le témoignage
Jacques Fortin CEL Bilan