Filo !

Filo

Filo
54 ans
Marseille

Vous pouvez voir en cliquant sur les mots en bleu les documents (photos, tracts, compte-rendus, etc...) qui accompagne chaque témoignage.

J’habite à Marseille depuis très, très longtemps... J’ai commencé à fréquenter le milieu des lesbiennes, je devais avoir 17 ans environ. C’était au Cancan (rire) la boite homo marseillaise. Et après petit à petit, j’ai commencé à connaître les associations dont la Boulangerie que j’ai fréquenté très peu parce que j’avais un age où j’étais encore là-dedans, tout ce qui était militantisme. j’étais plus intéressée par tout ce qui était festif, les boites, la Chimère (à Aix-en-Provence) le Cancan, etc...
Et lorsque les 3 G ont ouverts en 96 et que j’ai connu Sylvie G qui est venu au salon de coiffure où je travaillais pas très loin, petit à petit on a discuté et j’ai atterri ici. J’ai trouvé ce lieu très sympathique et le fait que ce soit créé par 3 lesbiennes sympathiques, ça me changeait un petit peu de tout ce milieu festif du soir. C’était beaucoup moins artificiel...

Patricia G : Du fait de ton métier, tu as eu l’idée de nous faire faire des défilés.

Ah oui, ça, c’était la période avec le CEL, je trouvais que les fêtes c’était sympathique, tout ce qui était politique, c’était bien mais il manquait un peu de folie... En plus, à cette époque là, tout ce qui était "féminin", il fallait pas trop ! Je trouvais dommage car je ne suis quelqu’un de très masculine mais ça n’empêche pas que je suis quelqu’un de très lesbienne (rire). J’avais envie d’apporter ce côté mode (même s’il était modéré car je savais où j’allais faire ce genre de spectacle, de défilé...) à toutes ces femmes !
Ça a été difficile pour réaliser tout ça parce que ça faisait femme-objet, femme-barbie, etc... et j’ai trouvé le moyen de le faire par des petites histoires et prenant différentes sortes de femmes, c’est-à-dire physiquement parlant... c’était pas des top-modèles, en plus c’était pas ce qui intéressait (rire)... C’était des femmes de tous les jours : minces, grosses, moyennes... Ce que je voulais mettre en avant c’est qu’une femme peut être belle, peu importe comme elle est... Il suffit qu’elle rejette cette folie qu’elle a en elle sur scène et délirer... C’est parti comme ça et pari gagné !! (rire) Je l’ai fait une première fois, ça a très bien marché, c’était au CEL au Château des Fleurs et après j’ai continué. Je crois que j’ai dû le faire 5 ou 6 années d’affilée. A chaque fois, il y avait un thème pour que ça fasse plus spectacle que défilé...

Patricia G : Tu l’as fait aussi pour la Gay-Pride de 96, non ?

Oui, aussi. Chaque année, on a pris l’habitude de faire quelque chose. Car finalement les filles du CEL ont réalisé que d’une ça plaisait à tous genres de filles et de eux ça amenait du monde... même les nanas qui n’étaient pas branchées fringues, le fait d’avoir un petit spectacle dans une soirée, c’était sympa !
La dernière année où je l’ai fait, j’avais fait un thème "masculin, féminin" ou "féminine, masculine" qui s’est même exporté à Toulouse...
Ce qui est rigolo, c’est que quand j’ai commencé à recruter les filles, il y en a une d’elles qui était très choqué par le titre. Et je lui ai expliqué que dans tout être il y a un côté masculin et un côté féminin et c’est ça que j’ai voulu faire ressortir. Donc la première partie du spectacle, toutes les filles arrivaient "naturelles" et dans la deuxième partie, elles étaient toutes en masculines...
C’était rigolo et ça a aussi choqué car il y en avait qui disaient : "Tiens, une telle ressemble à un travelo, etc.." (rire). Mais c’était pas grave car ça a fait bougé les esprits, ça a fait bougé tout le monde, c’était sympathique... On s’est éclaté... À tel point qu’on nous a demandé de le faire à Toulouse à la Luna Loca. Et voilà, nous sommes toutes parties pour défiler.. (rire)

Une dans la salle : Filo, c’est celle qui a changé l’image des lesbiennes avant les L-word...

Oui, peut-être, je sais pas (rire)... Je n’y avais pas pensé mais c’est vrai que c’était vachement intéressant. Je crois que c’est mon préféré car j’ai voulu aller jusqu’au bout, je voulais pousser celles qui défilaient, qu’elles donnent le maximum... C’était difficile pour elles. Au départ, il fallait qu’elles soient très féminines même si ce n’était pas leur genre puis qu’elles soient très masculines...

Patirica G : C’était un jeu sur les genres... c’était au même moment où on se questionnait sur le genre, que des groupes à Paris se questionnaient sur le genre, le transformisme, le travestisme et le trans genre...

Oui, tout à fait ! Je pense que c’est ça...
Ce spectacle, ce défilé, c’est venu à force d’entendre les nanas, les lesbiennes, parlaient entre elles : "Ouai, une telle est masculine, une telle est féminine" je trouvais ça gonflant... Parce qu’on est des femmes, point-barre ! Dans un lit, personne a besoin de savoir ce qu’on est, ce qu’on est pas. Et dans un couple, tout se fait naturellement.
Et je me souviens, que quand j’étais plus jeune, j’étais complexée parce que je n’étais pas masculine... On ne me coïnciderait pas comme une homosexuelle et ça m’énervait ! (rire) A tel point que j’ai failli me rendre plus masculine, mais ça n'a pas marché ! (rires). C’était ridicule, j’avais 20 ans !!
Mais ça me déplaisait que dans la rue, on ne me remarque pas en tant qu’homo. Oui, ça m’a déplu, à une certaine période, ça m’a dérangé ! Le contraire de certaines ! Ça les dérangeait parce que ça se voyait, mais moi ça me dérangeait parce que les filles ne me voyaient pas ! Moi je les voyais mais pas elles (rires)...
C’est dons parti de toutes ces discussions. D’ailleurs, le spectacle a beaucoup plus, il y a eu des réflexions assez hard mais ça fait rien, c’était le but !

Patricia G : C’est bien parce que ça a amené une réflexion sur toutes ces choses là car c’était une période de construction d’une identité lesbienne et tu nous a permis d’explorer ce côté-là aussi.

Oui, je me suis surtout éclatée et en dehors de ça, je présentais aussi mon métier. Si je suis intéressée par les défilés, la mode, c’est aussi par rapport à mon métier et le fait de "changer" les femmes, c’est assez agréable...

Documents contenus dans le témoignage
Défilé de Filo Défilé au CEL Défilé Masculin-Féminin